Association des Professeurs de Langue et Littérature Françaises Diplômés des Universités

Pays-Bas : L'association des professeurs de français défend le plurilinguisme et la langue française en Europe

L'Association des professeurs de français des Pays-Bas a adressé aux responsables de la Commission européenne, ainsi qu'aux responsables du gouvernement français une lettre en faveur de l'amélioration de la position du français et des langues étrangères en Europe.

Cette prise de position reflète notamment celle des associations de la Commission Europe de l'Ouest de la FIPF, ainsi que les Résolutions du Congrès mondial des professeurs de français (Liège 2016).

Vous pouvez retrouver ci-dessous le texte complet de cette lettre :

 

Sujet : Amélioration de la position du français et des langues étrangères en Europe.

 

Madame la Ministre,

 

Réunis à Liège du 14 au 21 juillet 2016, à l'occasion du XIVe congrès mondial de la FIPF, les professeurs de français ont conçu des résolutions concernant l’apprentissage du français. Ces résolutions ont été adoptées à l’unanimité par le conseil d’administration de la FIPF lors de sa réunion du 27 janvier 2017. La 7ième de ces résolutions, intitulée Apprendre la langue, apprendre la citoyenneté, stipule que : « L’école a un rôle primordial aussi bien de formation à et de passage vers la citoyenneté que de vecteur puissant d’humanisme, d’intégration et de cohésion sociales, la langue (quelle qu’elle soit) étant une condition sine qua non de l’accès à cette citoyenneté »1.

L’intérêt de l’apprentissage des langues et du multilinguisme est en outre visible dans la politique linguistique de l’Union européenne, qui vise à « promouvoir la mobilité et la compréhension entre les cultures. L’Union européenne a fait de l’apprentissage des langues une grande priorité et finance de nombreux programmes et projets dans ce domaine. Le multilinguisme est, pour l’Union, un facteur déterminant de la compétitivité européenne. Aussi l’un des objectifs de la politique linguistique de l’Union européenne est-il que tous les citoyens européens maîtrisent deux autres langues en plus de leur langue maternelle »2.

Lors de leur dernière réunion, le 20 septembre 2017, à Vienne en Autriche, les représentants des associations des professeurs de français dans la Commission de l’Europe de l’Ouest (CEO) de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), soutenant de tout cœur ces principes, ont exprimé leur inquiétude quant au déclin du français langue étrangère (FLE) dans l’enseignement secondaire. Ils ont constaté qu’en Europe le nombre d’heures de cours de langue étrangère baissait rapidement et que la réalité était bien souvent éloignée des déclarations de principe.

Plus particulièrement aux Pays-Bas, début 2015, le secrétaire d’Etat du Ministère de l’Enseignement, de la Culture et des Sciences a mis sur pied une plateforme, composée d’organisations éducatives qui ont étudié les besoins, les connaissances et les compétences nécessaires aux élèves pour pouvoir participer pleinement à la société. Leurs avis portent d'une part sur un changement et une adaptation du curriculum des matières scolaires. Elles préconisent un curriculum avec, d'une part, des matières obligatoires, comme l’anglais, langue étrangère dominante aux Pays-Bas, et d'autre part des matières facultatives, laissant la liberté aux établissements scolaires de choisir eux-mêmes les matières proposées. L’Association des professeurs de français craint fortement les implications d'une telle réforme, les écoles pouvant opter pour un programme scolaire sans deuxième langue étrangère, ce qui va à l'encontre du traité de Lisbonne. Chaque citoyen a notamment le droit d’apprendre au moins deux langues étrangères.

En outre, l’apprentissage du français (ou d’une autre langue européenne) aide à prendre connaissance d’une autre culture. Les Pays-Bas sont un petit pays où la connaissance des langues voisines est indispensable au monde des affaires. L’économie et la société néerlandaises ont besoin de personnes qui maîtrisent le français (et l’allemand), sinon les Pays-Bas risque de perdre des contrats avec de grandes entreprises se situant en Afrique par exemple. Aussi, universitaires, didacticiens, pédagogues et linguistes se sont réunis en groupes d'expert afin de rédiger un manifeste pour que le dialogue entre les politiciens et les enseignants se noue et aboutisse à une meilleure offre diversifiée de l'enseignement des langues.

Or, ce problème concerne non seulement les Pays-Bas, mais encore plusieurs pays de l’Union européenne. De moins en moins d’élèves apprennent une deuxième langue étrangère pour se cantonner essentiellement à l’anglais qui leur est majoritairement proposé. C’est la raison pour laquelle ils dédaignent les autres langues européennes et cet attrait unilatéral pour une seule langue étrangère cause un déséquilibre au détriment des autres cultures. L’Union européenne et les gouvernements nationaux ont la responsabilité de veiller à la garantie de l’attention que toute langue mérite. Sur les plans économique, géographique, social, touristique et culturel il importe d'assurer l’apprentissage d’au moins deux langues étrangères. Malheureusement, beaucoup de membres de l’Union ne respectent pas les accords du traité de Lisbonne. C’est vraiment dommage, car l’allemand et le français sont des langues de travail de l’Union et ses plus grandes langues.

Enfin, pour guider les élèves à apprendre la citoyenneté, l’enseignement doit mettre l’accent sur la citoyenneté européenne, la culture européenne et l’identité européenne. L’importance de la coopération européenne s'avère essentielle dans un monde globalisé où l'imbrication des sujets nationaux est des problèmes internationaux ne cesse de croître.

L’accent sur l’anglais n’est donc pas suffisant. En effet, il n'est pas inutile d'insister sur le fait que de larges connaissances linguistiques ouvrent à l’internationalité, à la connaissance des cultures environnantes et offrent la possibilité de participer pleinement à la vie d'un citoyen de l’Union.

C'est pourquoi, les associations de la CEO, et en particulier celle des Pays-Bas, plaident auprès des ministères et de L’Union européenne pour le maintien et l’augmentation du nombre d'heures de cours de français. Elles s’adressent à vous parce que « la langue est un objet politique et que son enseignement n’est dès lors pas indifférent à cette nature politique. Par conséquent, une des conditions de l’amélioration des résultats de l’apprentissage du français, comme langue de scolarisation, seconde ou étrangère, est la collaboration des décideurs des politiques scolaire et linguistique »3.

Pour une mise en œuvre effective de l’apprentissage des langues et de la citoyenneté nous vous demandons de mener une politique permettant à chaque élève européen d'apprendre au moins deux langues étrangères au niveau A2 du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR), pour ce qui est d'un niveau scolaire bas, et au niveau B1, pour ce qui est d'un niveau scolaire plus élevé et de créditer ces apprentissages d'un nombre d’heures de cours suffisant à l'ouverture sur la citoyenneté européenne, la culture européenne et l’identité européenne. Ainsi une Europe forte se construira-elle. Qui possède la jeunesse, possède l’avenir.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes respectueuses salutations.

Joke Rentrop

Secrétaire générale de la CEO/FIPF

Didacticienne de FLE

Graduate School of Teaching

Université d’Utrecht

Pays-Bas

Levende Talen Sectie Frans

(Association des professeurs de français aux Pays-Bas)

1 http://fipf.org/sites/fipf.org/files/resolutions_liege.pdf

2 Fiches techniques sur l'Union européenne 2017, La politique linguistique, Michaela Franke, 09/2017

3 http://fipf.org/sites/fipf.org/files/resolutions_liege.pdf